presse actualité
interview parue aux éditions Hermann
Rencontre avec un artiste
Emmanuelle Amsellem
par Arthur Cohen
L’Argilète : En 2009, votre travail a été fortement remarqué : l’Académie des Beaux-Arts vous a décerné le Prix Claude Berthault, et votre exposition « Infiniment bleu » a remporté un franc succès. Vous y montriez des toiles qui font chatoyer les différentes teintes de bleu. Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler ainsi cette couleur ?
Emmanuelle Amsellem : Depuis 1985, j’étais littéralement habitée par une espèce de passion : exprimer le bleu ou, plutôt, les bleus et leurs interactions.
L’Argilète : En 2010, vous avez décidé de vous consacrer à une autre couleur, non moins chargée de symboles : le noir. Vous avez ainsi exposée, en septembre dernier, votre « Collection Noir ». Pourquoi être ainsi passée « de l’azur à l’obscur » (pour reprendre l’élégante formule que Muriel Charlot a utilisée pour caractériser cette transition) ?
Emmanuelle Amsellem : En réalité, j’avais l’intention de passer de l’azur au blanc. J’ai ressenti une évidence. Pour arriver au blanc, je devais opérer une transition par le noir, notamment pour mieux comprendre l’interaction de la lumière. C’est ainsi que j’ai décidé d’aborder le noir comme j’avais travaillé les bleus, c’est-à-dire en choisissant les pigments qui opèrent la même magie : cette chimie des pigments qui fait chatoyer et fluctuer une teinte et lui confère de multiples facettes.
L’Argilète : Pour justifier le prix que l’Académie des Beaux-Arts vous a décerné, le Secrétaire perpétuel, Arnaud d’Hauterives, évoque votre « travail méticuleux et patient » et votre « technique [...] délicate et précise, finement maîtrisée ». Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre technique ?
Emmanuelle Amsellem : J’ai fait mes premiers pas dans l’art par la sculpture avec une diversité de supports : pierre, bois, métal, argile ainsi que d’autres supports. Aucune de ces matières ne m’a permis d’exprimer ce que je recherchais encore confusément sans pouvoir le définir. Après une période d’approches, j’ai découvert les innombrables possibilités qui s’offraient à moi avec la peinture, notamment grâce à la vastitude possible de la palette : encre de Chine, acrylique, papier Japon (marouflage), toile, carton, bois, verre… Puis un jour, en 1987, Jacques Busse est venu me rendre visite dans mon atelier à Belleville. Il m’a dit : « Emmanuelle, il est temps que tu te mettes à la peinture à l’état pur ». Pendant deux ans, ma recherche a porté sur l’acrylique et l’encre de Chine, donc en à-plat. Traiter l’huile de la même manière me semblait insurmontable. Deux ans durant, j’ai tâtonné dans la douleur, à la recherche de ce qui m’avait séduite dans la sculpture : l’expression du volume. C’est alors que l’inspiration m’est venue des artistes que j’admirais. Un tableau de Paul Signac (intitulé Notre-Dame de Paris) me fascinait particulièrement : chaque fois que je le regardais, il était différent. Par ailleurs, la construction picturale de Viera Da Silva me confondait par sa perfection. Et Pierre Soulages, par son travail sur la lumière, m’éblouissait.
Je me demandais pourquoi et comment, suivant l’approche de Signac, ces points jetés sur une toile avaient une vie indépendante et agissaient les uns sur les autres pour faire chatoyer les formes, les couleurs, les points d’ombre et de lumière. Jusqu’au moment où j’ai compris ce qu’étaient la fragmentation et la défragmentation. Mais comment faire pour ne pas tomber dans l’imitation ? Utiliser une technique totalement différente pour obtenir un pointillisme interactif avec le sujet. Impossible au pinceau. Il ne me restait qu’un outil : le couteau et, par voie de conséquence, la toile au sol. Mes recherches et ma méthode picturale m’ont alors naturellement conduite à appliquer la couleur au couteau par petites touches, avec les pressions nécessaires pour rendre l’à-plat, le relief et les échappées de lumière.
L’Argilète : Quels sont vos projets pour l’année à venir (2011) ?
Emmanuelle Amsellem : Le blanc !
L’Argilète n°3, Revue des Arts et des LettresEditions Hermann. 6, rue de la Sorbonne — 75006 PARISwww.editions-hermann.fr
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Rencontre avec un artiste
Emmanuelle Amsellem
par Arthur Cohen
L’Argilète : En 2009, votre travail a été fortement remarqué : l’Académie des Beaux-Arts vous a décerné le Prix Claude Berthault, et votre exposition « Infiniment bleu » a remporté un franc succès. Vous y montriez des toiles qui font chatoyer les différentes teintes de bleu. Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler ainsi cette couleur ?
Emmanuelle Amsellem : Depuis 1985, j’étais littéralement habitée par une espèce de passion : exprimer le bleu ou, plutôt, les bleus et leurs interactions.
L’Argilète : En 2010, vous avez décidé de vous consacrer à une autre couleur, non moins chargée de symboles : le noir. Vous avez ainsi exposée, en septembre dernier, votre « Collection Noir ». Pourquoi être ainsi passée « de l’azur à l’obscur » (pour reprendre l’élégante formule que Muriel Charlot a utilisée pour caractériser cette transition) ?
Emmanuelle Amsellem : En réalité, j’avais l’intention de passer de l’azur au blanc. J’ai ressenti une évidence. Pour arriver au blanc, je devais opérer une transition par le noir, notamment pour mieux comprendre l’interaction de la lumière. C’est ainsi que j’ai décidé d’aborder le noir comme j’avais travaillé les bleus, c’est-à-dire en choisissant les pigments qui opèrent la même magie : cette chimie des pigments qui fait chatoyer et fluctuer une teinte et lui confère de multiples facettes.
L’Argilète : Pour justifier le prix que l’Académie des Beaux-Arts vous a décerné, le Secrétaire perpétuel, Arnaud d’Hauterives, évoque votre « travail méticuleux et patient » et votre « technique [...] délicate et précise, finement maîtrisée ». Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre technique ?
Emmanuelle Amsellem : J’ai fait mes premiers pas dans l’art par la sculpture avec une diversité de supports : pierre, bois, métal, argile ainsi que d’autres supports. Aucune de ces matières ne m’a permis d’exprimer ce que je recherchais encore confusément sans pouvoir le définir. Après une période d’approches, j’ai découvert les innombrables possibilités qui s’offraient à moi avec la peinture, notamment grâce à la vastitude possible de la palette : encre de Chine, acrylique, papier Japon (marouflage), toile, carton, bois, verre… Puis un jour, en 1987, Jacques Busse est venu me rendre visite dans mon atelier à Belleville. Il m’a dit : « Emmanuelle, il est temps que tu te mettes à la peinture à l’état pur ». Pendant deux ans, ma recherche a porté sur l’acrylique et l’encre de Chine, donc en à-plat. Traiter l’huile de la même manière me semblait insurmontable. Deux ans durant, j’ai tâtonné dans la douleur, à la recherche de ce qui m’avait séduite dans la sculpture : l’expression du volume. C’est alors que l’inspiration m’est venue des artistes que j’admirais. Un tableau de Paul Signac (intitulé Notre-Dame de Paris) me fascinait particulièrement : chaque fois que je le regardais, il était différent. Par ailleurs, la construction picturale de Viera Da Silva me confondait par sa perfection. Et Pierre Soulages, par son travail sur la lumière, m’éblouissait.
Je me demandais pourquoi et comment, suivant l’approche de Signac, ces points jetés sur une toile avaient une vie indépendante et agissaient les uns sur les autres pour faire chatoyer les formes, les couleurs, les points d’ombre et de lumière. Jusqu’au moment où j’ai compris ce qu’étaient la fragmentation et la défragmentation. Mais comment faire pour ne pas tomber dans l’imitation ? Utiliser une technique totalement différente pour obtenir un pointillisme interactif avec le sujet. Impossible au pinceau. Il ne me restait qu’un outil : le couteau et, par voie de conséquence, la toile au sol. Mes recherches et ma méthode picturale m’ont alors naturellement conduite à appliquer la couleur au couteau par petites touches, avec les pressions nécessaires pour rendre l’à-plat, le relief et les échappées de lumière.
L’Argilète : Quels sont vos projets pour l’année à venir (2011) ?
Emmanuelle Amsellem : Le blanc !
L’Argilète n°3, Revue des Arts et des Lettres Editions Hermann. 6, rue de la Sorbonne — 75006 PARIS www.editions-hermann.fr